Je vous partage aujourd’hui une histoire inspirante que j’ai moi-même écrite dans le cadre d’un concours sur le thème du courage. Je n’ai pas été sélectionné parmi les finalistes mais je pense que ça vaut le coup que je vous la partage…
Le jour de ma renaissance
« Saute ! »
Voilà qu’une voix résonnait dans ma tête à présent. Qu’avais-je fait pour en arriver là ? N’y a-t-il pas un Dieu juste ou simplement une force supérieure qui nous aide, chacun d’entre nous ? Je ne suis pas croyant mais je ne pouvais m’empêcher de penser que j’étais né sous une bonne étoile et que tout me réussirait.
Pourtant, voilà où j’en suis. A une centaine de mètres du sol. Les pieds à moitié dans le vide. En d’autres circonstances, j’aurais certainement apprécié le paysage. Le soleil rasant donnait une vue magique sur la vallée en contrebas. Quelques arbres de ci de là montraient encore qu’ils résistaient aux températures fraîches de l’hiver approchant. Cet endroit avait ce quelque chose de particulier qui le rendait unique. Cet endroit respirait la vie. La vie qui était sur le point de me quitter…
« Saute ! »
Si je n’étais pas dans cet état second où tout espoir m’avait quitté, je me poserais certainement beaucoup de questions. Pourtant, le temps du questionnement était terminé. Les rêves et désirs que j’ai toujours eu ne me font même plus frémir. Il n’y a plus d’émotion si ce n’est la peur. Oui, j’ai peur. Je tremble. Seul. Au bord de ce précipice qui m’attire inexorablement, qui semble m’attendre.
Quel est le but de tout cela ? Qu’est ce que je fais là ? J’étais pourtant bien parti dans la vie. Enfin il me semble. Une famille soudée, de belles études, un travail valorisant, une compagne aimante. Où avais-je péché ?
« Saute ! »
Suis-je vraiment un cas isolé ? Anormal ? En marge ? Tout le monde semble vouloir ce que j’avais, ou au moins tendre vers cette vie où tout est à sa place, tout est programmé, tout est dans la mouvance de notre temps. Et alors que j’avais tout ça, tout a dérapé. Je ne me reconnaissais plus. Ni dans mon attitude, ni même physiquement. J’avais changé. Quelque chose en moi avait vrillé. Comme si on avait éteint la lumière en moi. Tout était devenu terne. Cette vie n’était plus ce que je voulais. Je ne me reconnaissais plus.
Quand on voit ces gens qui se suicident, on se dit qu’on est au dessus de ça. Mais parfois, la vie nous réserve bien des surprises. Je n’en suis pas à philosopher. Je suis mort de trouille. Et la mort semble me guetter…
« Saute ! »
Y a-t-il encore un espoir ? Moi qui ai eu le courage de construire ce que je voulais. On ne m’a pas mis de barrière, pourtant je me suis senti enfermé. Enfermé dans une vie qui n’était plus ce que je voulais. Comment cette force a-t-elle pu me quitter ? Comment pourrais-je la retrouver ? La question pourrait se poser mais ne se pose plus. Car je n’ai plus le courage de me relever de ce coup de massue que j’ai reçu.
Personne ne comprend et personne ne comprendra certainement jamais. Et me voilà ici, déterminé à sauter puisque plus rien n’a d’importance ici pour moi. Comme si soudain, tout ce qui donnait du sens à ma vie n’était plus. Tout ce qui m’importait, n’importait plus.
Si j’en suis arrivé jusque-là, c’est par une incompréhension totale de ce qui m’arrivait et l’incapacité de mes proches à m’aider. Ils me reprochaient mon changement que je n’avais pas décidé. Comme si j’étais manipulé. Comme si quelqu’un tirait les ficelles depuis là-haut. Mais dans quel but ? Sommes-nous si fragile qu’une prise de conscience peut nous ôter la vie ?
Voilà où j’en suis. Cette déchirure intérieure me déconcerte totalement et m’empêche littéralement de continuer à penser. Mon attention est désormais sur le vide et les rochers en contre-bas. La question n’est plus de savoir si cela va se terminer ou non mais plutôt quand. Car je suis déterminé. Je ne suis pas là par hasard. D’ailleurs, je n’ai jamais cru à ce hasard dont tout le monde parle. Mais aurai-je le courage de sauter ? Ou le courage de revenir à la vie et de l’affronter ? Encore une fois, la question ne se pose plus.
Il paraît que notre vie défile devant nos yeux juste avant de mourir. Devrais-je attendre d’être à quelques centimètres du sol pour que ce soit le cas ? Car pour l’instant, mon esprit est bien loin de la revue de ces 33 dernières années.
Je vais sauter. Rien ne pourra plus empêcher cela. C’est écrit. Ou ça le sera. La fin est inévitable.
« Saute ! »
Voilà que mes pieds décollent du sol. Je me sens voler. Ça y est, dernière ligne droite. Ou dernière chute. Je n’ai plus peur. Toute peur semble m’avoir quitté. Je me sens léger, flottant dans l’air frais du matin fouettant mon visage fatigué. J’entame la chute infernale. C’est étonnant de voir comme le premier pas est toujours difficile et pourtant tellement libérateur. Dommage que ce soit le premier pas de mon dernier voyage.
Mais quel soulagement. Je ne me suis pas senti vivre comme ça depuis longtemps. Quel bonheur ! Mais pourquoi me sentir comme cela alors que dans quelques secondes, tout sera fini. Car honnêtement, je ne vois pas par quel miracle je pourrais me sortir de cette épreuve. Je commence à tomber. Vertigineusement. De plus en plus vite. Rien ne pourra m’arrêter. Mais cet instant semble durer une éternité. Une éternité où je me sens finalement bien. Où tous mes problèmes semblent s’être évanouis. Où mon être intérieur semble avoir ressuscité.
Vivant. Je me sens vivant ! Les yeux clos et le corps affaissé, je ne doute plus de rien. Comme si j’allais revenir à la maison. La vraie. L’unique. Tout ceci est tellement bizarre et enivrant à la fois. Quel soulagement.
Je tombe. Cela pourrait faire deux ans que mon corps tombe que cela ne ferait aucune différence. Le temps semble m’avoir quitté. L’espace aussi. Je ne sais plus où je suis ni l’heure qu’il est. Le temps semble s’être figé. Comme en suspension. Quel moment étonnant. Quel moment ! Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est le plus beau moment de ma vie puisque ma vie ne tient plus qu’à un fil. Ou à quelques secondes. Mais quel bonheur de ressentir ce relâchement, toute cette tension qui s’évanouit d’elle-même. Je me sens moi. Je me sens comme j’aurais toujours dû être. Mais ma vie a été comme une suite de faux pas, me confortant toujours dans ce que je pensais être bon pour moi. Alors que tout cela n’était que de la poudre aux yeux.
Je me retrouve enfin. Loin de tout ce que j’ai construit dans cette vie. Si c’était à refaire, je ferais les choses différemment, c’est certain. Mais peu importe. Plus rien n’a d’importance si ce n’est d’être là où je suis maintenant. Car cela fait bien longtemps que je n’avais pas ressenti ce sentiment de bien-être immense et infini.
L’air caresse toujours mon visage, je sens le sol approcher, dois-je ouvrir les yeux pour faire face à ma mort imminente ? Un pari osé mais qui ne me fait plus peur. J’ouvre les yeux.
A ma grande surprise, je suis toujours en haut de la falaise. Le vent a redoublé d’intensité. Je recule soudainement à grands pas, je tombe. Cette fois-ci sur la terre ferme. Tout devient clair et lumineux dans mon esprit. J’allais me suicider… Mais comment diable ai-je pu en arriver à un tel extrême ? Je veux vivre ! Vivre !
Je viens de prendre conscience à quel point tout cela est futile. Tout cela n’a pas d’importance. Ce qui compte véritablement, c’est de profiter de chaque instant. Je ne suis pas certain de comprendre ce qui vient de m’arriver. J’ai sauté. Et pourtant je suis là. Comme si mon esprit avait joué cette comédie, amenant même le vent à s’intensifier pour me donner l’illusion de la chute. Quelle expérience exceptionnelle et inattendue.
Je crois bien que je viens de mourir. Et de renaître. Avec des armes différentes et la ferme intention de me battre avec courage dans cette nouvelle vie. Mais combattre avec élégance. Combattre tout en profitant de la chance qui vient de m’être offerte. Et que d’autres n’ont pas eu. Je viens d’ouvrir le plus beau cadeau au monde. Le cadeau de la vie. Le cadeau de la renaissance. Je n’ai plus peur de revenir à ma vraie vie et d’en changer tous les aspects afin qu’elle me corresponde vraiment.
Le courage serait-il cela ? Pouvoir oser mourir pour pouvoir renaître ? Pouvoir détruire pour reconstruire ? Je ressens aujourd’hui un lien immense entre la vie et la mort. Si l’on n’est pas prêt à mourir pour ce qui l’on est et ce que l’on croit, alors pourquoi vivre ? J’ai essayé de vivre avec des principes auxquels je me suis identifiés mais qui n’étaient pas les miens. Et j’ai pris une claque de la vie. Une vraie, douloureuse. Et la mort m’en a donné une en retour pour me réveiller de mon coma.
Une nouvelle vie m’attend. Je cours la rejoindre et l’embrasser. Le vent s’est calmé et un magnifique levée de soleil pointe à l’horizon. Un nouveau moi est né.
J’ai appris il y a longtemps que pour guérir mes blessures, je devais avoir le courage de les affronter.
Vous pouvez partager cette histoire à condition de ne pas la modifier et de citer l’auteur et la source. Merci.
Et, comme toujours, j’attends vos retours avec grand plaisir 🙂
Wow. J’ai eu des frissons! Fascinant et inspirant. Ils auraient du te sélectionner et si tu n’écrivais pas déjà je te dirais de commencer à écrire. Es-ce autobiographique?
Je veux bien la partager cette histoire, elle est d’une pertinence presque morbide( désolé pour le mot). Je pense que cet article sera une claque pour plus d’une personne, on a tous à un moment de notre vie flirté avec la mort tant les épreuves sont parfois difficiles.
Pour moi, il n’ y a pas de doute, pour renaitre, il faut d’abord mourir. Comment le faire sans complètement se suicider?Là est toute la question?
Merci Dorian.
Bonjour Tatiana,
Haaa merci à toi ! Ce n’est pas autobiographique du tout non.
J’étais vraiment content de mon texte, je l’avais fait lire par 3 personnes avec de bons retours et je croyais vraiment en mes chances. Mais je pense que le texte est trop long (concours de nouvelles) car les textes sélectionnés étaient beaucoup plus courts.
Et oui, comme tu le dis, il faut savoir mourir ou s’abandonner pour pouvoir renaître et connaître une vision complètement différente des choses / de la vie.
La vie est une éternellement recommencement où vie et mort sont liés. Nul besoin de se suicider. Abondonner certaines choses et s’engager dans d’autres fait aussi partie de ce processus. Cela se fait par des prises de consciences, des rencontres, des situations agréables ou désagréables, etc.
Les possibilités sont infinies ! 🙂
Au plaisir !
Dorian
Bonjour,
Au début on pense à un appel au suicide, puis ouf, on comprend mieux!
Il est parfois bien difficile de dire STOP aux choses, aux personnes ou événements qui nous déplaisent, car l’humain vit avec ses habitudes. Le plus dur, et pourtant le plus simple, est d’en changer…Je lis pas mal de livres sur le sujet, La loi de l’attraction, La magie de croire, La méthode Coué,etc. ce qui permet d’avoir une approche différente selon les auteurs et de mieux s’en imprégner.
Cela dit, ton texte est très bien, félicitations, puisque tu es encore en vie.
Cordialement,
JJS
Bonjour Simon,
Bravo pour cette approche ! Difficile de dire stop comme tu le dis. Mais très souvent nécessaire.
Tourner le dos à ce que l’on ne veut plus pour mettre toute son énergie à obtenir les résultats souhaités crée la magie !
Merci pour tes appréciations ! Je rappelle que ce n’est pas autobiographique. L’image de suicide n’est pas à prendre au premier degré mais bien dans le sens figuré 🙂
Bien amicalement,
Dorian
Bonsoir Dorian,
Une petite expérience d’éveil et on voit que la vraie vie manquait à celle que l’on menait avant.
La vraie vie est ailleurs, comme dit Milan Kundera.
J’ai beaucoup ri, à certains moments, j’espère que cela ne te choque pas.
J’aime ce mélange de poésie, d’humour et de réflexion sur les choix que l’on faits.
Oui, tu devrais creuser ce genre d’exercice, tu as naturellement un don pour créer l’intérêt, et un style vif.
Je ne m’attendais pas à lire un tel texte ici !
J’ai bien fait de venir.
A bientôt.
Marie.
Bonjour Marie,
Merci à toi pour ton retour pour le moins élogieux !
Rire c’est parfait !!
Je t’avoue que j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce texte. A refaire 🙂
Au plaisir !
Dorian
Bonsoir Dorian,
« Saute » ! La vie n’est faite que de saut dans le vide.
Ton récit, du moins dans le début, m’a fait penser à un saut en parachute que mon fils a expérimenté. Tout dans l’expression en photo, plus facile qu’en mots.
« Saute » ! Que de suspens ! Mr Suicide se serait invité ? Je ne sais si j’ai tout compris. Mais j’en comprend l’ivresse procurant un pouvoir défiant toute logique sur nos vies et compréhension du sens… justement de nos vies.
J’aime ce texte habillé de vérité, aux couleurs complexes de nos pensées confidentielles teintées d’interrogations sur le sens de nos vies.
J’oubliais, cet écrit vaut le coup et suis heureuse de le découvrir ce soir !
Merci Dorian et merci !
Hélène
Bonjour Hélène,
Ton commentaire égale bien la valeur de mon texte !
C’est ça, c’est bien une affaire de suicide mais tu as raison, on peut le comprendre comme un saut en parachute ^^
Et ravi que tu y ais vu des vérités bien placées. Au delà des émotions que l’histoire peut procurer, il y a une vraie morale.
Merci à toi et au plaisir de te lire.
Bien amicalement,
Dorian
Quelle protection! C’est drole combien nous nous rendons compte de cette protection une fois ce grand saut envisagé pour de bon, voire accompli. C’est effectivement là que si la spiritualité ne t’avait pas encore atteint, elle se décide enfin. Elle te touche…Elle s’ouvre enfin à tes yeux, tes sens, ta compréhension. C’est grâce à elle qu’on se rend compte que rien n’est impossible…comme toucher les étoiles. Il n’y a que ceux qui essayent de les attrapper de toutes leurs forces qui se rendent compte qu’on peut les toucher. Tu l’as fait…bravo.
Quel commentaire poétique Cécile !
C’est ce que l’on appelle le lâcher-prise, je dirais.
Ce moment où l’on se décide à s’abandonner, laisser faire les choses naturellement et tout devient alors limpide.
Au plaisir !
Dorian
Magnifique ton texte !
Je me suis complètement reconnue dedans : une vie qu’on croit avoir choisie, mais finalement qui est plutôt le « choix » de notre famille et de la société, la prise de conscience brutale que « quelque chose cloche », et l’impression que rien à part le suicide ne peut y mettre fin… Tout cela, je l’ai vécu, avant de me secouer les puces et me dire : « arrête de faire ta victime et maintenant AGIS ! ».
Quel dommage que ton texte n’ait pas été retenu. En tout cas, continue dans cette voie de l’écriture, cela te sied à merveille 🙂
Elodie
Merci Elodie !
J’imagine que cette histoire doit parler à énormément de monde.
On a tous plus ou moins vécu ce sentiment de ne pas être à notre place à un moment donné.
Et c’est tout à notre honneur de s’en rendre compte et d’agir pour que ça change !
Au plaisir.
Dorian
Bonjour Dorian
Un très beau texte et une sacrée expérience mais comme le dit si judicieusement Hélène notre « »vie n’est faite que de sauts dans le vide » et c’est ce qui en fait l’intérêt (pour moi) une vie toute tranquilles sans se poser de questions, sans regarder en arrière pour voir où précisément nous n’avons pas eu le courage ou l’envie de sauter, quelle platitude mais tu as parfaitement résumé le désespoir qui peut nous saisir quand nous sommes dans une impasse (dans notre tête) .
Bonjour Sylviane,
Merci à toi. Oui, une vie est faites de ces moments où l’on choisit de mourir pour renaître à différents degrés.
C’est tellement passionnant !
Au plaisir.
Dorian
Coucou Dorian,
Je vois que je ne suis pas la seule à avoir frissonné ! J’ai été complètement absorbée par ton texte ! Bravo pour tes talents d’écriture !
Belle semaine : )
Bonjour Nathalie,
Oh, ravi de t’avoir procuré des frissons ! Merci à toi et très belle semaine également !
Dorian