Voici une autre histoire qui m’a inspiré cette semaine et qui est vraiment particulière.
Ce texte est de Baudelaire sur lequel je suis tombé il y a quelques jours. Il est criant de vérité et vous pouvez en tirer une leçon magique !
Baudelaire a investit dans sa personne, dans son éducation et avait aussi à coeur de retransmettre cela. Mais, en tant qu’homme d’action, sa manière de faire pouvait surprendre !
Assomons les pauvres, de Baudelaire
Pendant quinze jours je m’étais confiné dans ma chambre, et je m’étais entouré des livres à la mode dans ce temps-là (il y a seize ou dix-sept ans); je veux parler des livres où il est traité de l’art de rendre les peuples heureux, sages et riches, en vingt-quatre heures. J’avais donc digéré, – avalé, veux-je dire, toutes les élucubrations de tous ces entrepreneurs de bonheur public, – de ceux qui conseillent à tous les pauvres de se faire esclaves, et de ceux qui leur persuadent qu’ils sont tous des rois détrônés. – On ne trouvera pas surprenant que je fusse alors dans un état d’esprit avoisinant le vertige ou la stupidité.
Il m’avait semblé seulement que je sentais, confiné au fond de mon intellect, le germe obscur d’une idée supérieure à toutes les formules de bonne femme dont j’avais récemment parcouru le dictionnaire. Mais ce n’était que l’idée d’une idée, quelque chose d’infiniment vague.
Et je sortis avec une grande soif. Car le goût passionné des mauvaises lectures engendre un besoin proportionnel du grand air et des rafraîchissants.
Comme j’allais entrer dans un cabaret, un mendiant me tendit son chapeau, avec un de ces regards inoubliables qui culbuteraient les trônes, si l’esprit remuait la matière, et si l’oeil d’un magnétiseur faisait mûrir les raisins.
En même temps, j’entendis une voix qui chuchotait à mon oreille, une voix que je reconnus bien; c’était celle d’un bon Ange, ou d’un bon Démon, qui m’accompagne partout. Puisque Socrate avait son bon Démon, pourquoi n’aurais-je pas mon bon Ange, et pourquoi n’aurais-je pas l’honneur, comme Socrate, d’obtenir mon brevet de folie, signé du subtil Lélut et du bien avisé Baillarger?
Il existe cette différence entre le Démon de Socrate et le mien, que celui de Socrate ne se manifestait à lui que pour défendre, avertir, empêcher, et que le mien daigne conseiller, suggérer, persuader. Ce pauvre Socrate n’avait qu’un Démon prohibiteur; le mien est un grand affirmateur, le mien est un Démon d’action, un Démon de combat.
Or, sa voix me chuchotait ceci: « Celui-là seul est l’égal d’un autre, qui le prouve, et celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir. »
Immédiatement, je sautai sur mon mendiant. D’un seul coup de poing, je lui bouchai un oeil, qui devint, en une seconde, gros comme une balle. Je cassai un de mes ongles à lui briser deux dents, et comme je ne me sentais pas assez fort, étant né délicat et m’étant peu exercé à la boxe, pour assommer rapidement ce vieillard, je le saisis d’une main par le collet de son habit, de l’autre, je l’empoignai à la gorge, et je me mis à lui secouer vigoureusement la tête contre un mur. Je dois avouer que j’avais préalablement inspecté les environs d’un coup d’oeil, et que j’avais vérifié que dans cette banlieue déserte je me trouvais, pour un assez long temps, hors de la portée de tout agent de police.
Ayant ensuite, par un coup de pied lancé dans le dos, assez énergique pour briser les omoplates, terrassé ce sexagénaire affaibli, je me saisis d’une grosse branche d’arbre qui traînait à terre, et je le battis avec l’énergie obstinée des cuisiniers qui veulent attendrir un beefteack.
Tout à coup, – ô miracle! ô jouissance du philosophe qui vérifie l’excellence de sa théorie! – je vis cette antique carcasse se retourner, se redresser avec une énergie que je n’aurais jamais soupçonnée dans une machine si singulièrement détraquée, et, avec un regard de haine qui me parut de bon augure, le malandrin décrépit se jeta sur moi, me pocha les deux yeux, me cassa quatre dents, et avec la même branche d’arbre me battit dru comme plâtre. – Par mon énergique médication, je lui avais donc rendu l’orgueil et la vie.
Alors, je lui fis force signes pour lui faire comprendre que je considérais la discussion comme finie, et me relevant avec la satisfaction d’un sophiste du Portique, je lui dis: « Monsieur, vous êtes mon égal! veuillez me faire l’honneur de partager avec moi ma bourse; et souvenez-vous, si vous êtes réellement philanthrope, qu’il faut appliquer à tous vos confrères, quand ils vous demanderont l’aumône, la théorie que j’ai eu la douleur d’essayer sur votre dos. »
Il m’a bien juré qu’il avait compris ma théorie, et qu’il obéirait à mes conseils.
source : http://baudelaire.litteratura.com/pop/texte/187-assommons-les-pauvres.html
Moralité
Je pense que cette histoire peut choquer, quoiqu’à notre époque de violence permanente, tout ça c’est du gâteau.
Mais battre un pauvre vieillard pour lui faire la morale ? Surtout qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère !
Je vois ce pauvre comme un symbole. Cela pourrait être vous-même. Vous sentez-vous pauvre ou esclave dans votre vie ? J’écrivais il y a quelques temps cet article Etes-vous un esclave ?
Ce texte est magique pour moi car il montre que l’on peut s’instruire par la manière douce mais aussi par la manière forte.
La manière douce est la première partie du texte avec les livres et le fait de se gaver d’informations pour nous booster et nous faire voir la vie du bon côté, avec entrain et énergie, pour se retrouver couronner de succès.
Oui, ça marche. Mais la vie n’est pas seulement dans les livres. Et ce vieillard au fond du trou n’aurait pas pris la peine de se trainer jusqu’à une bibliothèque pour y dénicher des pépites.
Donc la manière douce est une bonne chose. Mais la manière forte a aussi ses vertus.
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La manière douce et la manière forte sont les 2 faces d’une même pièces.
Elles ne peuvent exister sans l’autre
Tout comme les énergies masculines et féminines s’équilibrent.
Tout comme les pensées et les actions vont de pairs.
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Et donc ce vieillard a pris une claque de la vie. Il y a peut être laissé 2 dents et quelques os, mais il a regagné le goût de vivre ! (voir l’article « Avez-vous arrêté de vivre ? »)
Cette claque n’est autre qu’une prise de conscience venu par l’expérience, par l’expérimentation. Alors certes, ça lui est tombé tout cuit sur le coin de la tronche, mais ça arrive rarement de la sorte.
Vous devez aussi savoir provoquer les choses et faire en sorte d’obtenir ce que vous voulez par l’action. C’est de cette façon que vous obtiendrez des résultats différents.
Comme toujours, un sage équilibre est de mise.
Un peu de Baudelaire, un peu de Socrate, dans votre vie de tous les jours, et vous êtes paré pour une vie pleine de bonheur et de succès !
Et vous ? Etes-vous plutôt manière douce ou manière forte ? J’attends vos retours dans les commentaires !
Marine says
Salut Dorian,
intéressante cette histoire mais bon, c’est assez violent tout de même pour donner une leçon !
Pour répondre à ta question, j’aurai tendance à dire que je préfère la manière douce, c’est à dire apprendre par moi-même, notamment par la lecture de livres, etc.
Cela dit pour être tout à fait honnête, la manière forte m’est tombée dessus à plusieurs reprises (tu évoques des « claques » dans ton article).
Cela m’a fait prendre conscience que quelque chose clochait (plusieurs choses en fait) et que je devais changer, et je le fais consciemment par la manière douce. Du style « bon ça suffit j’en ai marre maintenant, je ne vais pas continuer comme ça, ça n’amène rien, il faut que j’introduise des changements ».
Pour être plus précise, je sentais bien que ça n’allait pas, mais j’avais plus tendance à suivre le cours de l’eau. Et puis j’ai fait des choix, assumé bien que j’avais conscience que pour l’un d’eux cela impliquait de ne pas être au mieux pendant des années mais j’ai tenu bon car j’avais la certitude que c’était une étape nécessaire pour mettre toutes les chances de mon côté afin d’aller mieux ensuite. Et ce choix qui s’est concrétisé (et m’avait assez lessivé à la longue) m’a permis de modifier quelques petites choses par la suite. Dans le même temps, je me prenais des claques plus ou moins grosses.
Et à un moment donné, sans claque réellement suite à une prise de conscience (le « bon ça suffit j’en ai marre maintenant »), j’ai décidé de réellement intégrer des changements à ma vie, à plusieurs niveaux. Pour l’instant je ne regrette pas, au contraire, je m’en porte mieux, j’apprécie le chemin car je sais qu’il m’en reste encore à parcourir. J’essaie de voir ça de la façon suivante : c’est cool j’ai une bonne marge de progression ! Autrement dit, l’avenir, le futur me parait plus enthousiasmant.
Bon c’est un peu brouillon mon truc, désolée ^^
Belle soirée à toi 🙂
Dorian says
Salut Marine,
Ton retour est super intéressant !!
La manière forte montrée dans cet article est de la force physique ! Mais on peut aussi la représenter, de façon imagée, par les claques de la vie !! On peut aller loin finalement dans l’interprétation de cette histoire.
Donc non ce n’est pas brouillon. Je pense dur comme fer qu’on a le choix de la méthode douce mais que sans la manière forte, elle peut mettre très longtemps à porter de véritables fruits, et parfois jamais car le changement trop doux est parfois imperceptible (à l’image de la grenouille qui prend son bain dans la marmite qui se réchauffe jusqu’à finir cuite !)
Et beaucoup n’utilisent que la manière forte de façon inconscience. C’est un choix d’une certaine façon.
Mais encore et toujours, un juste équilibre porte les meilleurs résultats.
Et nous nous devons d’être dans cette attitude d’acceptation de ce qui tout ce qui peut arriver, surtout en cette période !! 😉
Très belle journée à toi Marine.
Dorian
Jordane (MonBonPote) says
Hello Dorian,
Ce que tu relèves bien dans cet article n’est qu’en réalité le coup de bâton de l’adage « bâton et carotte ».
La plupart des personnes attendent de vivre des concours de circonstance dans leur vie pour décider de changer.
Elles sont rares ces personnes qui décident de changer par la manière douce.
Personnellement je n’en ai pas connu, après comme tu dis le changement doux est parfois imperceptible et le soucis en coaching aussi, c’est que les gens s’accaparent le changement comme si ça avait toujours été le cas.
Je suis persuadé qu’il n’y a que la manière forte (imagée) qui pousse les gens à faire de grands changements !
A bientôt
Jordane
Dorian says
Hello Jordane,
Hmm.. intéressant.
Je suis obligé d’aller à contre courant de ce que tu dis car je suis l’incarnation même d’une personne qui a décidé de changer par la manière douce. Je me suis senti attiré par certains enseignements qui ont transformé ma vie.
Ma vision du monde a été chamboulé (ce que je recherchais d’une certaine façon), j’ai commencé à penser différemment, voir les choses différemment et vivre différemment. Et ça a causé des changements immenses !
Cela n’a pas empêché des moments plus chamboulés que d’autres bien sûr mais je pense dur comme fer que l’on a toujours le choix. Soit on accompagne le changement et tout se passe en douceur, soit on finit par le prendre en pleine poire.
Merci pour ta visite !
Dorian
hannah@techniqueTipi says
Bonjour Dorian,
Je crois que je suis adepte de la manière forte
pour moi, mais peut être une manière plus douce
pour les autres.
Je viens de me faire une grosse entorse (je pars avec
en Thaïlande) parce que, ce que je voulais travailler
à l’intérieur de moi ne pouvait se faire de la manière douce,
la preuve ça avait échapper à toutes mes années de
thérapie!